Très tendance ces dernières années, le métier de pâtissier demande un haut niveau d’exigence. La voie royale reste l’apprentissage et les stages pour apprendre les bases. Mais le plus important semble être l’amour du métier. Nous sommes allés à la rencontre de Raphael Mezie, prévôt de la Maison des Compagnons du Devoir de Baillargues. Nous avons échangé sur le métier de pâtissier, mais aussi sur la notion de compagnonnage : considérer son métier non pas comme une fin en soi, mais comme un moyen de se découvrir et de s’épanouir à travers lui. Au-delà d’un savoir-faire transmis par un réseau d’entreprises et de Compagnons, c’est un savoir-être qu’ils proposent aux jeunes pour apprendre leur métier.
Chefs d’Oc : Comment en êtes-vous venu à la pâtisserie ? Racontez nous votre parcours.
Raphaël Mezie : Je suis originaire du Tarn et Garonne. J’ai eu envie de faire de la pâtisserie dés l’âge de 13 ou 14 ans. J’ai rencontré les Compagnons du Devoir en fin de 3e lors d’un forum d’orientation. J’ai été séduit par leur système d’apprentissage. Je n’ai malheureusement pas trouvé d’entreprise pour réaliser mon alternance. Je n’ai donc pu intégrer les Compagnons qu’une fois mon baccalauréat scientifique obtenu.
J’ai commencé en tant que « prépa métier » à Lyon où j’ai travaillé pendant 1 an dans une pâtisserie et où j’ai obtenu mon CAP. On nous affecte hors de notre département pour nous préparer au métier, mais aussi au Tour de France. Je l’ai démarré l’année suivante par Strasbourg. Une année plus tard, je suis parti à Bordeaux où j’ai travaillé dans une boulangerie-pâtisserie. Cette même année, j’ai participé aux qualifications régionales du concours des Olympiades des métiers. Ensuite, j’ai intégré la maison de Nîmes où j’ai cette fois participé aux Olympiades nationales en février 2015. Une expérience très formatrice.
J’ai également réalisé mon « chef d’œuvre » de compagnon cette même année: Il ne s’agit pas d’un diplôme. C’est un travail que l’on présente à des Compagnons. Un projet qui montre que l’on a acquis un certain niveau de métier mais aussi de savoir-être. On y travaille après les heures de formation ou de travail. On se donne beaucoup pour évoluer plus vite. C’est cela aussi le compagnonnage. Après Nîmes, je suis parti à Lille. Là, j’ai travaillé en restauration dans un Casino Barrière. En parallèle du Tour de France, j’ai passé des diplômes en plus de mon CAP. J’ai passé une mention complémentaire, un BTM (Brevet Technique de Maitrise) et une première année de DEUST (Diplôme d’Études Universitaires Scientifiques et Techniques). Je suis arrivée à Baillargues il y a 15 mois pour prendre le poste de Prévôt de la Maison des Compagnons du devoir de Baillargues.
CO : Quelle est la meilleure formation pour devenir pâtissier ?
RM : Il n’y a pas de cursus idéal. Chez les Compagnons du devoir, on pousse tous les jeunes à aller au maximum de leurs capacités. Dans le métier, le savoir-être mais aussi dans les diplômes. Si on veut trouver du travail aujourd’hui, il faut de l’expérience professionnelle dans le métier, mais aussi des diplômes pour valider celle-ci.
CO : Que faut-il avoir pour être un bon pâtissier ?
RM : Il faut être passionné, avoir envie de faire plaisir. Être très motivé car pour se lever tous les jours où presque à 3, 4 ou 5 heures du matin, il faut savoir pourquoi on le fait. Mais aussi avoir envie de transmettre le métier, la passion.
CO : Pourquoi aimez-vous ce métier ?
RM : L’adaptation. Ce qui est intéressant dans la pâtisserie, c’est la créativité, mais aussi la réactivité qu’elle exige. Il y a toujours des commandes un peu spéciales. On est obligé de chercher la nouveauté. Chaque jour, même s’il y a une certaine routine, tout est différent. On est sans cesse obligé de s’adapter.
CO : Qu’est-ce qui fait la différence entre les Compagnons du Devoir et un CFA ?
RM : Chez les compagnons l’apprentissage se fait par l’alternance (Cycle d’alternance 6 semaines en entreprise et 2 semaines au CFA). La formation est plus individualisée. On accompagne les jeunes. Notre objectif, c’est qu’ils aient leurs diplômes mais aussi qu’ils apprennent à se dépasser pour atteindre l’excellence.
Nous les accompagnons au maximum dans ce sens et surtout, nous leur donnons les moyens d’y parvenir.
CO : En tant que prévôt, quelles sont vos missions ?
RM : Je suis par délégation directeur d’établissement. Je suis responsable de la gestion et de la promotion de la Maison. Je suis en charge du recrutement mais aussi du placement en entreprise. Mon objectif : c’est la réussite des jeunes. Mes missions exigent une certaine polyvalence. C’est une mission de trois ans car c’est assez énergivore. Cela permet cependant de donner sa chance à chacun, mais aussi de ne pas s’installer dans une zone de confort.
CO : C’est beaucoup de responsabilités ?
RM : J’aime le challenge. C’est pour cela que j’ai participé à des concours. J’aime m’investir à 100 % dans mon travail. Je n’ai que 25 ans mais j’ai moi-même demandé lors de mon recrutement pour la mission à avoir une grosse Maison de Compagnons du Devoir. Si on veut avancer, il faut être un minimum ambitieux.
CO : Quel type de formation proposez-vous ?
RM : À Nîmes, la pâtisserie-la boulangerie et la peinture. À Baillargues, la métallerie, la plomberie, la charpente, la menuiserie. Il y a aussi les tailleurs de pierre et les maçons. Entre l’enseignement général et les formateurs, il y a environ 20 personnes. Les formateurs sont des ouvriers qualifiés du métier avec une excellente connaissance terrain. 80% des formateurs chez les Compagnons sont des jeunes qui ont mon âge et qui ont pris pour mission de former les plus jeunes. C’est la transmission par le métier.
CO : Un conseil à donner aux jeunes qui voudraient se lancer dans la pâtisserie via les Compagnons du Devoir?
RM : En pâtisserie, il est important de bien comprendre que ce que l’on voit à la télévision est très loin de la réalité. Lorsque l’on rentre en apprentissage, on commence par gratter les plaques, faire des quiches, des pizzas. Il faut accepter de démarrer par les bases.
C’est comme cela que l’on apprend le métier et qu’on évolue.
Pour intégrer les Compagnons du Devoir, il faut être motivé, savoir prendre des initiatives, avoir envie se dépasser.
Le cursus compagnonnique, c’est une expérience de vie, où on nous apprend à nous responsabiliser et à acquérir certaines valeurs humaines : fidélité, honnêteté, fraternité, courage, générosité, discipline et patience. Ce qu’apporte le Tour de France, c’est de l’expérience dans le métier, mais aussi s’avoir s’adapter à différentes structures et différents domaines.
PROPOS RECUEILLIS PAR MARIE GINESTE
PHOTOS©GUILHEM CANAL