Paul Courtaux : Le Saint-Georges

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Issu de l’école de Saint-Chély-D’apcher, Paul Courtaux est de ces chefs qui ont déjà une belle histoire culinaire. Attaché au goût et fervent défenseur du terroir, il propose une cuisine innovante et moderne qui fait la part belle aux produits de la mer. Mais l’arrière-pays n’est pas oublié.
Un clin d’œil aux origines Aveyronnaise de son épouse, Hélène. Authentique et subtile, l’assiette est bien équilibrée. Couleurs, saveurs, Paul Courtaux a l’œil sur tout. Le goût, c’est avant tout ce que défend le chef. C’est pour cette raison que ce dernier sélectionne ses produits avec soin en travaillant avec des producteurs passionnés. En seulement quatre petites années, le Saint-Georges est devenu un lieu où à la cuisine inventive et exigeante se mêlent la bienveillance et la passion des hôtes que sont Paul et Hélène Courtaux. Lui en cuisine, elle en salle.

7h00 AU MARCHÉ GARE

Le jour se lève. Nous retrouvons Paul Courtaux au marché gare en ce matin de novembre. Il nous attend. Il est ponctuel voire en avance. Aujourd’hui, il récupère de la viande de son producteur et ami Nicolas Cabrol, situé à Nissan-lez-Ensérunes. Il privilégie les producteurs de la région autant qu’il le peut. Il l’explique très bien. Travailler avec les produits de proximité et de saison, c’est avant tout un choix humain. Consommer local, c’est un moyen de participer au développement de réseaux de distribution de proximité tout en stimulant l’économie locale.
C’est intégrer les conséquences sociales et environnementales dans ses achats. Mais c’est aussi un acte d’engagement en faveur d’une société plus équitable, respectueuse de l’environnement et de la santé humaine.
24 heures avec le chef courtaux

8h00 LE SAINT GEORGES

Le Saint Georges est un établissement cosy. La décoration y est sobre et soignée. Du bois blanc, du cuir… Une ambiance de maison de plage. Sur les murs, les photos de l’artiste Marc Deotte trônent fièrement. Les tables ont chacune leur nom : Lucas, Orwell, Clooney, Sand… une pléiade de Georges célèbres. On s’y sent de suite à l’aise. Le temps de nous préparer un café et nous voilà en cuisine. Sur le feu, un jus de cochon mijote depuis la veille.
Sur la paillasse, le chef débite des longes de porc. Tout en travaillant, il nous raconte son histoire. La cuisine, il n’y est pas arrivé par hasard. Il a toujours baigné dedans grâce à sa mère et sa grand-mère. « Je me suis toujours éclaté à la maison grâce à elles ». Adolescent, l’école ne l’épanouit pas, mais le vin l’intéresse. Après un Bac ES, il intègre le lycée hôtelier de Saint-Chély-D’apcher, en Lozère, où il décroche un BTS hôtellerie-restauration mention sommellerie. Il y rencontrera Hélène, sa future femme. Chemin faisant, il se découvre un véritable engouement pour la cuisine. Il fait alors ses armes au Chandelier, à Montpellier et au Ritz, à Paris.
À 21 ans, il est le chef du restaurant la Chaldette. Paul Courtaux pérennise l’étoile conquise l’année précédente par le restaurant, ce qui lui vaut une invitation chez Taillevent. Il se taillera aussi une jolie réputation à l’Entre Pots, à Pézenas, où il restera sept ans, avant de s’installer dans les murs du Saint-Georges.

8h30 EN CUISINE

Hélène vient d’arriver. Elle vient de déposer leurs deux enfants, Louis et Charlie à l’école. Le chef nous précise fièrement que s’il en a le temps, c’est lui qui les emmène. La famille c’est très important pour lui. Son équilibre sûrement.
Ce montpelliérain d’origine est un homme de cœur, attaché à son terroir. Ce n’est pas pour rien qu’il a choisi d’ouvrir son établissement ici. Son apprentie Anaïs vient d’arriver. Au même moment, on livre du poisson : langoustine, rouget, loup et Saint-Jacques. « Tu m’allumes les feux cocotte ? ». « Oui chef ! ». « Merci ». Le ton est donné. Nicolas son second, Kévin son chef de partie et Adou arrivent à leur tour. La brigade est au complet. La préparation du service peut démarrer.
24 heures avec le chef courtaux

9h00 DIRECTION LE PORT

La brigade en place, le chef nous propose de l’accompagner sur le port récupérer du poisson qu’il a commandé : du thon et de l’espadon.
Le chef a dû apprivoiser la confiance des pêcheurs qui lui permettent moult variations aux fourneaux. De l’anguille aussi qui se pêche dans les étangs littoraux. Fumée, elle se marie à merveille dans le foie gras. Nous croisons Morgane Rabine, l’ostréicultrice que nous avons interviewée quelques semaines auparavant. Puis l’oncle de Romain Salamone qu’il connaît bien. Nous nous arrêtons finalement devant le bateau des Bénèzeche, une des familles fondatrices du village. C’est Jean-Marie dit la Cigogne, un emblématique patron-pêcheur qui nous accueille. C’est son neveu qui a repris l’activité depuis.

24 heures avec le chef courtaux
24 heures avec le chef courtaux

9h40 MISE EN PLACE

En cuisine tout le monde s’affaire. Kévin s’occupe des saint jacques, Nicolas des rougets, le chef prépare une bisque de langoustine. Adou est au renfort de chacun. Paul Courtaux a un œil bienveillant partout. Il enseigne, il conseille. Nul doute que c’est un homme qui partage sans modération. Toujours un merci, il impose le respect par son charisme certainement pas par terreur. L’équipe en salle vient d’arriver et s’attaque à la mise en place. Il y a Maxime, qui seconde Hélène, Nancy et Estelle en deuxième année d’apprentissage.

L’ambiance est sérieuse mais décontractée.

24 heures avec le chef courtaux

10h30 UNE CAVE À FAIRE PALIR

La matinée s’enchaine très vite. Le chef attrape une poêle et lance la cuisson des champignons. Ici tout le monde est plus ou moins polyvalent. Nous nous dirigeons en salle. La cave a vin est impressionnante avec sa centaine de références : des vins friands et souples comme le Domaine des Terres Falmet en rouge ou gourmands et modernes comme le Domaine La Garance à Caux en blanc. Des cuvées rares comme le Domaine Gauby en rouge ou le Domaine Roc d’Anglade en blanc. On sent la double casquette du chef. Sans oublier une belle sélection de champagne où l’on nous propose un Duval Leroy 2006 blanc de blanc Grand cru ou encore un Billecart Salmon brut rosé. Retour en cuisine. « Kévin, vient me faire sauter les champignons s’il te plait ». Le chef prépare les langoustines. Anaïs s’occupe du repas du personnel. La préparation du service est presque terminée. On range on nettoie. Tout est bien rythmé.
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11h30 LE REPAS DU PERSONNEL

En salle, Nancy fait découvrir un nouveau cocktail qu’elle vient de proposer. Chacun y va de sa petite remarque mais toujours constructive.
L’ambiance est détendue. « Allez ! C’est l’heure de manger », signale le chef. Le « repas du perso », tout le monde le partage. Même le chef. Et dans une ambiance de franche camaraderie. On fait le point sur le service à venir.

12h00 C’EST PARTI

Tout le monde est à son poste en salle comme en cuisine. Les toques sont sur les têtes. Le piano de cuisson est dans les « starting-block ».
La brigade se positionne : le chef à la cuisson et au dressage des plats, Kévin au dressage des entrées, Nicolas au dessert, Anaïs en renfort et Adou à la plonge. Maxime vient en cuisine faire le point avec le chef sur les quantités. Une première table de deux vient de s’installer.
Le four sonne ! Le premier bon est annoncé. « Allo chef ! » Le service est lancé. Une nouvelle table de trois vient d’être installée puis une de deux. Les bons vont s’enchaîner. La cloche retentit. Les premières entrées sont envoyées. Du rouget posé sur son toast de focaccia avec une purée de pois chiche épicée et la fameuse tarte fine de boudin artisanal aux oignons doux confits au banyuls et au parfum de truffe quittent la cuisine. Le chef surveille les cuissons. En une heure, le restaurant s’est bien rempli.

24h avec le chef courtaux

13h00 CHOCOLAT ET CONFIDENCES

« Allez ! On respire on ne se perd pas ! » Une nouvelle table de quatre vient d’arriver. Le service est fluide. On débarrasse, les entrées, on apporte les plats. Le chef nous propose de passer à table. En entrée, il nous prépare une salade de poulpes accompagnée de légumes et de pomme de terre Roseval assaisonnée d’huile d’olive et citron. En plat, une pièce de cochon d’Aveyron de la ferme Montourcy avec son petit farci oignon doux-lard et son potimarron grillé. Un véritable régal assorti évidemment d’un bon cru de la région. En cuisine, les premiers desserts sont lancés.
L’occasion pour Paul de nous raconter l’histoire du fameux « fondant au chocolat Grand Cru de sa Grand-Mère ». « Il y a toujours une part de vécu en cuisine. Je travaillais au Chandelier à Montpellier. Ma grand-mère venue pour manger goûta le coulant au chocolat. Elle me dit : « Ça, je sais le faire. » Le mercredi suivant, elle me montrait comment confectionner ce gâteau. Je propose sa recette à ma carte aujourd’hui ». Le restaurant se vide au fur et à mesure. La brigade a fait place nette en cuisine.
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14h30 LE CALME EST DE RETOUR

L’établissement retrouve son calme. La cuisine est rangée, les tables sont redressées. Tout est prêt pour le service du soir. Le personnel s’est éclipsé. Le chef lui restera jusqu’à 16h00. « J’ai toujours des choses à faire ». Puis ira chercher ses enfants à l’école. Il profitera d’un moment avec eux et d’une petite sieste avant de retourner devant les fourneaux. « Les enfants, c’est primordial. La sieste c’est vital ! » S’il en a le temps, Paul Courtaux aime faire du vélo. « C’est un bon exutoire et surtout cela permet de rester en forme. »

18h45 ON RECOMMENCE

« Nico ! Le repas du perso c’est bon ? ». La cuisine a retrouvé sa brigade. On commence la mise en place. On prépare le service. « On dégage tout s’il vous plaît, on va allumer la plancha ». Kévin met sa pâte feuilletée au four. Adou aide le chef à mettre le poisson sous vide. « Allez manger les coco ! ». Paul Courtaux profite de ce moment pour passer quelques commandes. Comme à midi, le repas se déroule dans la bonne humeur, blague et humour potache au programme.
24 heures avec le chef courtaux

19h45 À SON POSTE

En cuisine comme en salle on est prêt à recevoir les premiers clients. Le chef donne les directives du service à Maxime « Anguilles, à bloc. Sept loups, dix saint pierre, langoustine à bloc et sept thons ». Adou s’occupe du cerfeuil. Le chef a sorti sa planche, il surveille l’ensemble. Un petit coup d’œil en salle, « Minou, ça rentre ! ».
Hélène accueille les premiers clients. Le téléphone sonne. Une réservation pour le soir même est prise. Une deuxième table de quatre vient d’arriver. Puis une de deux. Le restaurant se remplit rapidement. Ce soir, c’est une clientèle d’habitués. Nancy prépare les cocktails pour les apéritifs. En cuisine, déjà trois bons en cours. On assaisonne, on goûte. Le service du soir est lancé.
24 heures avec le chef courtaux
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20h30 LE SERVICE DU SOIR

Les commandes s’enchaînent. Comme à midi, chacun joue sa partition. Les entrées et les plats se succèdent. « Kévin n’oublie pas le citron! ». « Déjà sur ma planche chef ! On peut y aller pour les deux rougets de la 6 ! ». Adou gère le four. Hélène entre en cuisine « Allo s’il vous plaît ! Deux menus dégustations ». On cuit, on dresse, on envoie. Le rythme est donné. « On oublie pas le timer pour les samoussas merci ! ». Le chef dresse les plats avec Anaïs. « C’est parfait cocotte ! Tu peux dresser les farcis ».

22h30 AMBASSADEUR DU GOÛT

Les plats s’enchainent. En ambassadeur du goût qu’il est, il a choisi de consacrer une place de choix à l’anguille sauvage dans sa carte, valorisant la production des pêcheurs d’anguilles de Palavas. « C’est un produit exceptionnel qui souffre d’une mauvaise image.
Non seulement mon objectif c’est d’aider les pêcheurs locaux, mais également de sensibiliser les clients à ce produit à travers des recettes telles que la terrine de foie gras mi-cuit à l’anguille fumée ».
24 heures avec le chef courtaux
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23h00 « ON ENVOIE LES DESSERTS »

« Allez, on finit ! Deux Saint pierre, bord d’assiette nickel s’il vous plait. » Nicolas prépare les derniers desserts. La cuisine est nettoyée au fur et à mesure. La fin du service approche. On envoie un baba au rhum servi tiède à la crème de mascarpone vanillé et un mille-feuille framboise au pastis aveyronnais accompagné d’un sorbet framboise-hibiscus. On prépare ce que l’on peut pour le lendemain.
Il ne reste que deux tables. Le chef vient les saluer. « C’est important de prendre le temps ». Un geste à son image, plein de sincérité et de bienveillance. De quoi célébrer la cuisine inventive et sincère d’un chef aussi exigeant que discret.

PROPOS MARIE GINESTE – IMAGES © GUILHEM CANAL