On a cuisiné CHICANDIER avec Guillaume DESPONT

0
1147
En_Cuisine_Chicandier_Guilhem

Un vendredi de mars. Il est 13h. Guillaume Despont, le chef de La Maison Bacchus, nous a donné rendez-vous à la chasse de Franck SIMON, à quelques kilomètres de Montpellier, à Cournonsec plus précisément. Nous sommes rejoints par Paul COURTAUX, le chef du Saint-Georges à Palavas-les-Flots, et après un bon kilomètre sur une route qui n’en porte que le nom, nous arrivons en bonne compagnie. Pour ce nouveau numéro, nous allons « cuisiner » Laurent Regairaz alias Chicandier autour de la confection d’un pâté en croûte dont seul Guillaume a le secret – ou presque, puisque la recette est à découvrir en page 79 L’occasion d’en apprendre davantage sur cet acteur auteur humoriste qui fait tout sérieusement sans se prendre au sérieux. Au programme, un bon gueuleton, de la convivialité, des confidences et beaucoup de bonne humeur. Pam !

Bon, tout le monde le sait, les plaisirs de la table, c’est ton truc. Mais d’où cela te vient-il ?

Jean, mon grand-père, est rentré des camps de concentration, il pesait 36 kg. La bouffe, ça a été son obsession toute sa vie. S’il allait dans un restaurant et que l’entrée était mauvaise, il se levait et il partait. Il se trouve que ma grand-mère était un véritable cordon bleu, et donc mon père a reçu cette éducation à la gastronomie. Il ne sait pas cuisiner, en revanche, il m’a toujours emmené, depuis que je suis tout petit, dans les meilleurs restos.

Et avoir Pierre Gagnaire comme parrain, cela doit aider…

Avec Pierre, l’histoire est folle. Quand j’étais gamin, j’avais deux copains, Bertrand et Félix. Un jour, en rentrant de chez Félix, je devais avoir six ou sept ans, je zozotais (Rires) et je dis à ma mère : « le papa de Félix, il cuisine drôlement bien, on a mangé un coquelet à la truffe ». Quelques temps après, elle a découvert qu’il s’agissait de Pierre Gagnaire. À dix ans, j’ai voulu me faire baptiser, c’était la personne que je voyais le plus après mes parents, j’étais toujours fourré chez eux. Je lui ai demandé d’être mon parrain. Il était super ému.

Et avoir Pierre Gagnaire comme parrain, cela doit aider… Aujourd’hui, tu es humoriste, auteur, comédien. Mais jusqu’à il n’y a pas si longtemps, tu étais juriste…

J’ai ce souvenir de mes parents en voiture en train d’écouter Les incontournables de Coluche, et qui rient à n’en plus finir. Moi aussi je riais, même si je ne comprenais pas tout ! (Rires) J’étais impressionné de l’émotion que pouvait susciter quelqu’un par le rire. J’ai su que c’était ce que je voulais faire.

Mais tu es devenu juriste…

Avec mes copains, on écrivait des films, on créait des pièces de théâtre, on a même envoyé des VHS à Canal +. Être artiste, ce n’était pas forcément bien vu chez moi. J’ai fait mon droit et l’école de notariat. Les copains ont arrêté. Mais moi, j’ai continué ! (Rires) J’ai tracé ma route, je me suis fait embaucher comme juriste, je n’étais pas assez rigoureux pour être notaire, mais je n’ai jamais abandonné l’idée.

Qu’est-ce qui a changé, alors ?

Une vidéo. « Enculé de banquier ». Elle n’a pas vraiment buzzé en plus, je crois que j’avais fait 30 000 vues. Mais à l’époque, j’étais secrétaire général dans une boîte où l’actionnaire majoritaire était la Caisse d’Épargne. Quelqu’un du bureau m’a balancé, je me suis fait virer. Peu de temps après, j’ai publié la vidéo « Bleu métal », qui a fait 15 millions de vues cette fois. Là, j’étais plus embauchable. J’ai juste décidé de basculer du côté artistique.

Le regard de ton entourage a-t-il changé ?

Cette décision n’a pas été comprise au départ dans ma famille. Mais quand ça a commencé à marcher, les choses se sont mieux passées. J’ai la chance d’avoir une base de copains solide, pas des copains fans, qui sont capables de me mettre le nez dedans quand il le faut.

D’où vient ta célèbre ouverture de bouteille ?

De l’alcoolisme ! (Rires) Non, ça m’est venu comme ça, un jour je l’ai fait, on l’a repris dans une vidéo et voilà !

Chicandier, ce n’est pas Laurent. Mais qui est-il ?

Tous ses traits de caractère sont grossis. Mais je ne me cache pas derrière mon petit doigt. Tout acte est politique. Je ne fais pas dans la droite ou dans la gauche, je ne parle pas de ça. C’est dans le sens de l’hygiénisation totale de la société. Dans cette espèce d’idéal dans lequel on essaie de nous enfermer. Il faut manger cinq fruits et légumes par jour, il faut faire du yoga, adhérer à la culture de l’effacement. Chicandier, c’est tout ce que l’on est en train de faire dans cette cuisine. On perpétue une tradition, sans histoire de race ni de couleur, juste l’amour du goût, des odeurs, de la bouffe. C’est une façon de lutter contre une société que l’on ne comprend plus.

Ça ne plaît pas à tout le monde…

Non c’est vrai, mais ils ne sont pas nombreux à avoir le courage de me le dire ! (Rires) Une fois je venais d’arriver à Paris, je suis à Bastille, avec ma valise, je galère, je suis énervé, je ne trouve pas de taxi. Et là, il y a une femme qui passe, et qui me dit : « Chicandier ? Oui ? Je vous déteste ! Vous faites rire mon con de mari mais vraiment je ne comprends pas, c’est vulgaire, c’est horrible ce que vous faites. » Et là, elle me demande si on peut faire un selfie ! (Rires).

Tu aurais pu choisir d’incarner n’importe qui. Tu as choisi un personnage qui, sur le papier, n’est pas forcément reluisant. Pourquoi ?

Je suis plutôt un intello, mais j’aime le rapport direct aux choses. Ma grand-mère était fan de Louis-Ferdinand Céline. J’ai été élevé avec Mort à crédit ou D’un château l’autre. Je n’aime pas ce qui sonne creux. J’ai été bercé par Gérard Depardieu et Jean Carmet. Ils sont mes influences. Ce sont des mecs qui parlent terroir et vrai. J’aime la punchline, la phrase qui fait « pam » à la Audiard.

Comment cohabite-t-on avec un tel avatar ?

Parfois on se perd, évidemment. Je suis quelqu’un d’exacerbé, un hypersensible à fleur de peau. Dans ma tête, c’est l’ambivalence en permanence. Après, on est tous un peu schizo, non ? Quand on aime une femme, on est bipolaire ! (Rires) Se gratter les noix en buvant des canons devant la téloche avec des potes, on sait faire. Mais être dans une approche de séduction nécessite de se poser des questions inhabituelles ! (Rires)

Ton spectacle, « Un jour sans faim », co-écrit avec Mathias Cannariato est un carton. En quoi la suite consiste-t-elle ?

Dans le premier, les gens attendaient que je donne à voir ce que je faisais dans les vidéos. Ils auraient été déçus du contraire. Là, on travaille sur un deuxième spectacle avec plus de matière, plus de profondeur artistique, plus d’échanges à deux, moins tourné sur l’alcool systématique.

Qu’est-ce que tu aimes dans la gastronomie ?

Qu’elle soit protéiforme. C’est comme le sexe, en fait. Elle va au gré de tes envies. Et c’est tellement pléthorique. C’est sans fin, sans limite.

Comment es-tu venu au cinéma ?

C’est Guillaume Canet qui m’a contacté. Je vous jure, l’anecdote est vraie. Je suis dans mon bain, à l’hôtel, le soir je joue à la Comédie de Paris. Et là j’ai un message qui me dit : « Je sais que tu ne prends pas de rendez-vous le vendredi après-midi, mais est-ce que tu pourrais me rappeler si tu as cinq minutes ? » Signé Guillaume Canet. Premier truc que je me dis, c’est une blague. Mais en même temps, personne dans mon entourage ne serait assez cynique pour me faire cette vanne pourrie. C’est tellement fou que ça doit être vrai. Je lui ai répondu : « J’ai les macarons qui flottent dans le bain, je te rappelle dans dix minutes. » (Rires) Je l’ai rappelé, il m’a proposé le rôle du poissonnier dans le prochain Astérix et Obélix.

Le petit garçon que tu étais se rêvait comédien et humoriste. C’est fait. L’homme de 43 ans, de quoi rêve-t-il ?

J’ai envie de me mettre vraiment au ciné, j’ai envie d’écrire pour les autres et de faire de la gastronomie.

Tu produis déjà de la bière et du vin…

Oui. Je travaille avec Bruno Mangin, c’est un génie de l’alcool, un mec avec un cœur énorme. On a travaillé sur une bière ensemble, mais on fait aussi du pastis et du gin. Avec ma femme, on est devenus des vendeurs d’alcool. Et ça nous a bien aidés pendant le confinement. C’était notre seule source de revenu. On fait aussi du vin avec un domaine à Vauvert.

D’autres projets en cours ?

On est en train de développer un concept, le banquet, avec Mathou, le speech est simple. On arrive quelque part le matin, un village ou une toute petite ville, et on organise un banquet pour 20h. On va voir le fleuriste, le boucher, le poissonnier, le boulanger, le primeur, le caviste bien évidemment, mais aussi des comédiens, des musiciens et on s’installe pour une grosse bringue dans un lieu un peu insolite.

 

En_Cuisine_Chicandier_Guilhem