Depuis 1999, Pascal Fulla réinvente le vin sur les terrasses du Larzac. Avec sa fille Léa, il façonne des cuvées comme on écrit des vers, avec passion, minutie et une pincée de poésie. Bienvenue au Mas de l’Écriture, où chaque bouteille raconte une histoire.
L’histoire d’une reconversion
Avant de parler de vin, parlons d’hommes et de choix. Pascal Fulla, juriste de formation, a longtemps navigué dans les hautes sphères de l’aérien avec Air Littoral, avant de virer de bord en 1998. “C’était intense, mais il manquait quelque chose”, confie-t-il. Ce “quelque chose”, il le trouve dans les vignes, entre Montpeyroux et Jonquières. Créer un domaine, c’était écrire une nouvelle page. D’où le nom évocateur : Mas de l’Écriture. Pour Pascal, le vin est un langage, un récit en bouteille. Sur les murs de la cave, les vers de René Char dansent, rappelant que chaque cuvée est aussi une œuvre.
Le lieu, entre ciel et terroir
Ici, le regard embrasse le mont Saint-Baudille, les terrasses du Larzac et, les jours clairs, la mer au loin. Une carte postale vivante. Mais sous la beauté du paysage se cache une complexité géologique fascinante : argilo-calcaires, galets roulés, marnes. “On a trois types de terroirs. C’est comme cuisiner avec des épices différentes”, s’amuse Léa. Les vignes, éparpillées sur dix hectares, bénéficient des nuits fraîches du Larzac, donnant aux vins cette fraîcheur signature.
Des cépages et une philosophie
Syrah, Mourvèdre, Grenache. Des classiques du Sud, travaillés avec doigté. Le Mas de l’Écriture est certifié bio depuis 2012 et flirte avec la biodynamie. Pascal nuance : “On pioche ce qui a du sens pour nous. L’essentiel, c’est la vie du sol. Quand on retourne la terre et que l’on voit les vers de terre, on sait que l’on est sur la bonne voie”. Les vendanges, bien sûr manuelles, rassemblent une équipe fidèle qui revient chaque année. “C’est un moment de partage, presque une fête… avec des courbatures en bonus !” plaisante Léa.
La vinification : entre rigueur et créativité
Au chai, chaque parcelle est vinifiée séparément. “C’est du sur-mesure. On ne mélange pas tout, on apprend à écouter chaque cuve”, explique Pascal. Les élevages se font en demi-muids pour préserver le fruit, avec une volonté : ne jamais masquer le terroir. Ici, pas d’overdose de bois, mais de la subtilité, comme chez ces musiciens qui jouent piano sans sombrer dans la monotonie. Les assemblages se font à la fin, avant la mise en bouteille.
Les cuvées : de l’émotion à l’écriture
Trois rouges, un blanc, et des noms qui sonnent comme des chapitres. “On fait trois cuvées en rouge. L’Émotion, c’est la première cuvée, c’est un peu la carte du millésime, ce qui s’est passé. L’idée avec L’Émotion, c’est que les amateurs aient envie de découvrir le reste de la gamme. C’est un vin pour le partage, avec lequel on sait que l’on va passer un bon moment, que ce soit à l’apéro ou à table. Ensuite, on a Les Pensées, avec une majorité de Grenache. On va avoir un côté plus fin, plus délicat, plus long et plus complexe. On vient sur des épices, sur du moka, sur un côté très griotte. Là, on entre dans quelque chose où il faut se poser à table, prendre le temps de déguster. C’est un vin qui évolue à la dégustation et qui se révèle avec l’air. Et enfin, L’Écriture, c’est la signature du domaine. On est sur Syrah, Mourvèdre avec un peu de Grenache. Là, on va avoir plus de matière, plus de puissance. C’est un vin que l’on imagine avec des champignons, de la truffe, du gibier… On est dans un autre univers. C’est un vin de table, pour les plats généreux et les discussions qui s’étirent. Enfin nous avons Les Poèmes de l’Écriture, un blanc très frais, parfait avec des coquillages ou du poisson”, résume Léa. Avec environ 30 000 bouteilles par an, le domaine reste artisanal. La commercialisation se fait principalement en France, chez des cavistes et à la table de chefs complices.
Un lien singulier avec la gastronomie
Entre le vin et la cuisine, il y a bien plus qu’un simple accord de saveurs. C’est une histoire de création, d’intuition, de gestes précis et de sensibilité. “Le vin, pour moi, c’est comme la cuisine. Quand on assemble un vin, c’est comme si l’on écrivait une recette. On dose, on équilibre, on ajuste. Donnez les mêmes ingrédients à trois chefs, vous n’obtiendrez pas trois fois la même recette. Il en est de même avec mes voisins : nous travaillons les mêmes terroirs, mais nos vins sont différents. C’est une question de sensibilité”, confie Pascal. Cette vision, Léa la partage pleinement. Après un master en marketing, elle choisit de passer un CAP cuisine pour explorer ce dialogue subtil entre la table et la vigne. “Créer un vin, c’est comme assembler des arômes, des textures, des épices. On cherche un équilibre, une expression, quelque chose qui raconte une histoire en bouche”. Cette quête d’harmonie guide leurs gestes, des vendanges jusqu’à l’assemblage final. “L’équilibre, c’est la clé, insiste Pascal. C’est une question de détails. Comme en musique ou en cuisine, ce petit rien qu’on aurait négligé peut tout changer”, résume-t-il.
Ce souci du détail et cette sensibilité artistique trouvent un écho particulier dans la relation qu’entretiennent Pascal et le chef Éric Cellier. Leur complicité remonte à plus de vingt ans, tissée au fil des premières livraisons matinales, des cafés partagés à la Maison de la Lozère et des longues conversations où le vin, la cuisine et la vie se mêlaient dans le même souffle. À la dégustation, une vérité éclate. Le vin du père et de la fille ne se contente pas d’accompagner un plat. Il l’écoute, lui répond, l’amplifie ou le contrebalance, comme deux amis qui discutent, s’interrompent, se relancent, mais finissent toujours par s’entendre. C’est comme une conversation entre deux vieux complices : parfois ça chahute, souvent ça s’accorde, mais jamais ça ne laisse indifférent. Vous l’aurez compris, au Mas de l’Écriture, on ne boit pas, on lit. Chaque gorgée est une phrase, chaque bouteille un poème. À vous de tourner la page… ou de la déboucher.
Mas de l’Écriture – 34725 Jonquières
info@masdelecriture.com
WWW.MASDELECRITURE.COM
