ON A CUISINÉ… Marie Massart, présidente du MIN avec Thomas Réa

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Pour ce nouveau numéro, le chef de La Table des Poètes, Thomas Réa, nous a invités à partager un moment en cuisine avec Marie Massart, Présidente du MIN (Marché d’Intérêt National) de Montpellier et élue déléguée à l’alimentation durable. Entre des gestes précis pour ouvrir des oursins et l’assemblage minutieux d’un menu en trois temps, elle nous a dévoilé avec humilité les contours de son engagement : des choix précis, un respect des ressources, et une volonté farouche de créer du lien. Voilà ce qu’elle défend en tant qu’élue: reconnecter les habitants à une alimentation de qualité, locale et respectueuse de l’environnement, tout en rendant ces produits accessibles à tous.

Chefs d’Oc : Comment avez-vous rencontré Thomas ?
Marie Massart : En venant manger dans son restaurant. Et puis nous nous sommes recroisés lors de deux interventions qu’il a faites à l’école Sévigné et à la Cuisine Centrale, notamment pendant la Semaine du Goût. Chaque année, des enfants du conseil municipal nous demandent de travailler avec des chefs pour les sensibiliser à la cuisine.

Thomas Réa : Marie tu vas ’essayer d’ouvrir les oursin. Tu mets un premier coup de ciseau. C’est dur, faut y aller.

Marie Massart : Quel travail !

Thomas Réa : Tu sais ce que sont les langues d’oursin ? Ce sont leurs organes reproducteurs. Marie Massart : Ah bon ? Non, je ne le savais pas. (Rires)

Chefs d’Oc : Quels sont les objectifs prioritaires de votre politique alimentaire ?Marie Massart : Rendre une alimentation de qualité accessible à tous, tout en garantissant une rémunération juste pour les producteurs et un faible impact environnemental. Ce triptyque – consommateur, producteur, environnement – guide nos actions. Notre défi est d’allier durabilité et accessibilité.

Thomas Réa : Passons à l’élaboration de la première recette. On va venir étaler le beurre sur la mouillette. Il faut qu’il y en ait une bonne couche, que ce soit gourmand

Marie Massart : Comme ça ?

Thomas Réa : Oui, c’est parfait. Ensuite, on place les langues d’oursin dessus. On assaisonne avec la poudre d’agrumes.

Marie Massart : Ça donne envie…

Thomas Réa : C’est toi qui fais, donc c’est normal.

Chefs d’Oc : Comment mettez-vous en œuvre la promotion des circuits courts ?
Marie Massart : Nous avons une feuille de route commune avec la Métropole, appliquée au MIN. Elle favorise les projets éthiques : produits locaux, bio, réduction des emballages, et faible impact carbone. Nous soutenons aussi des entreprises comme Boc d’Oc, qui transforment des produits locaux sans additifs.

Marie Massart : Je n’aurais jamais pensé à râper le chou-fleur comme ça.

Thomas Réa : Oui, ça apporte du croquant et ça se marie bien avec le côté iodé de l’oursin.

Chefs d’Oc : Quels sont vos projets en matière d’agriculture urbaine ?
Marie Massart :
Nous développons des jardins familiaux et partagés pour reconnecter les habitants à la nature et créer du lien social. Des projets majeurs comme les agri-parcs des Bouisses et du Mas Nouguier incluront des terres agricoles allouées à des agriculteurs via des appels à projets. Ces initiatives servent aussi à revitaliser certains quartiers populaires en apportant des activités familiales et éducatives.

Chefs d’Oc : Pourquoi travailler avec des chefs est-il important pour vous ?
Marie Massart : Les chefs sensibilisent le public à l’alimentation durable et créent une demande pour les produits locaux. Ils participent à changer les comportements alimentaires, valorisant des produits de qualité tout en mettant l’accent sur le plaisir de manger ensemble.

Chefs d’Oc : Pouvez-vous nous parler de l’inauguration du pôle de transformation au MIN ?
Marie Massart : C’est un maillon essentiel pour maintenir une alimentation locale et renforcer la souveraineté alimentaire. Ce pôle permet de transformer sur place des produits locaux, réduisant les distances parcourues. Par exemple, la Cuisine Centrale s’approvisionne via la légumerie du MIN, et nous espérons inclure les crèches et hôpitaux à terme. Ce projet soutient également l’emploi local en valorisant les circuits courts.

Chefs d’Oc : Quelles sont vos initiatives pour sensibiliser les enfants ?
Marie Massart : Nous avons lancé des kits pédagogiques pour cuisiner avec les produits des potagers scolaires. Dans six écoles pilotes, le programme Ma Cantine Autrement propose des animations, des spectacles et des formations pour le personnel. L’idée est d’enseigner aux enfants l’importance de manger des produits locaux et de saison.

Chefs d’Oc : Quels freins rencontrez-vous pour démocratiser les produits bio ?
Marie Massart : Il y a trois obstacles principaux : le coût, le manque de commerces de qualité dans certains quartiers – déserts alimentaires –, et les préjugés culturels qui associent le bio à une “élite”. Nous y répondons par des projets comme les maisons d’alimentation solidaires, qui mêlent des publics variés et proposent des ateliers, ainsi que le réseau VRAC & Cocinas, qui organise des épiceries éphémères.

Chefs d’Oc : Pouvez-vous expliquer la caisse alimentaire commune ?
Marie Massart : Inspirée de la sécurité sociale, elle offre 100 € par participant pour acheter dans des circuits de qualité. Les cotisations varient selon les moyens, entre 1 et 250 €. Cela garantit l’accès universel à une alimentation durable sans stigmatisation.

Chefs d’Oc : Quels projets envisagez-vous pour rapprocher les habitants de l’alimentation locale ?
Marie Massart : Nous travaillons sur les paysages alimentaires, qui identifient et valorisent
les commerces qualitatifs. Avec des initiatives comme BoCal ou La Graine, nous souhaitons rendre ces commerces accessibles en termes de localisation et de prix.

Chefs d’Oc : Quels défis rencontrez-vous pour changer l’image des cantines scolaires ?
Marie Massart : Les clichés sont tenaces, mais nous y répondons par la valorisation des cuisiniers et des produits locaux. Il est crucial que les enseignants et les élèves partagent cette vision.

Thomas Réa : On a presque fini. On va disposer les langues d’oursin comme ceci, en essayant de créer une belle harmonie visuelle.

Marie Massart : C’est presque trop beau pour être mangé !

Chefs d’Oc : Un dernier mot sur vos priorités futures ?
Marie Massart : Développer davantage les paysages alimentaires pour garantir qu’un commerce qualitatif soit accessible dans chaque quartier de Montpellier. L’alimentation durable doit devenir une norme, mais cela demande encore beaucoup de travail.

Découvrez la recette ici !