Microcosme dans les Grès de Montpellier
Alors que le soleil inonde cette terre dite « mauvaise roche » en patois, les vignes du domaine de Roquemale expriment tout leur caractère, et profitent de la fraîcheur que lui confèrent les sols de bauxite. Situé à Villeveyrac à l’ouest de Montpellier et à proximité de l’étang de Thau, il s’est instauré ici un microclimat propice aux vins rouges.
La vigne étant un végétal à l’esprit rustique, elle s’épanouit sur ces sols difficiles afin de produire des raisins à la qualité plus élevée, d’un rendement naturellement plus faible qui l’oblige alors à plus de concentration.
Et c’est donc aux pieds d’un ancien viaduc, emblème du domaine, que l’on retrouve 12 ha de Syrah, Grenache noir, gris et blanc, Cinsault, Alicante Bouschet, Mourvèdre, Viognier, Marsanne, Roussanne et Vermentino !
Valérie me reçoit pour l’interview dans une des pièces du chais, dont un mur est garni de plaques et de médailles.
N : La question de base : quel a été l’élément déterminant pour devenir vigneronne ?
V : Bien que je sois issue d’une famille de viticulteurs, mes parents ont plutôt cherché à m’en dissuader. C’était donc bien loin d’être gagné ! J’ai entrepris mes études de commerce international, et comme j’aimais le vin malgré tout, j’ai aussi eu mon diplôme de Suze-la-Rousse. Je pars ensuite comme responsable export à l’international.
Au final, avec son mari Dominique, lui aussi fils de viticulteur, ils décident à 30 ans de créer un domaine pour gagner en qualité de vie. Un travail à 4 mains. Même si au départ de cette création du domaine, partant de zéro, ils jouaient l’alternance, gardant chacun leur travail en dehors du domaine. Aujourd’hui ils sont tous les deux corps et âmes dans leur nouvelle aventure qui a démarré en 2001.
N : Comment vous êtes-vous réparti les tâches ?
V : Dominique s’occupe du travail à la vigne, cela représente du soin et de la présence : taille courte, en gobelet ou en Cordon de Royat, adaptée à chacun des cépages. Labour régulier et passage inter-ceps. Aucun engrais chimique, seule-ment des amendements organiques pour reconstituer le taux de matières organiques du sol. Dominique travaille dans le plus strict respect des principes culturaux de l’agriculture biologique. J’y participe aussi à certaines périodes, notam-ment au printemps et pour les vendanges. Nos vins sont vinifiés à la parcelle, d’une manière simple, avec peu d’intrants œnologiques. Puis assemblés de manières différentes pour certaines de nos cuvées, de manière à offrir « l’émotion du millésime ». Nous participons ensemble à la vinification, et la partie dirigée vers le commercial et l’export me revient tout naturellement !
Le Bio invite à la « Zénitude » car se loge dans les vieux Grenache taillés en gobelet florilège de nids de pinsons ou de chardonnets, preuve du respect de l’environnement !
N : Etre proche de son terroir c’est aussi… ? :
V : Conserver des vieux cépages comme l’Alicante Bouschet qui peut offrir de belles surprises : c’est un cépage teintu-rier à la notoriété rustique que nous avons décliné en vin de soif, grâce à une macération courte, un vin de copains, à 12 % d’alcool : il a donné notre cuvée « Méli-Mélo ».
N : Quels sont vos vins préférés hors région ?
V : En règle générale, les vins qui me séduisent sont des blancs ciselés comme les Menetou ou Sancerre sur des sols de silex, j’aime quand ça « crisse » ! Quant aux rouges, je les aime sur la fraîcheur et l’élégance, avec du caractère comme une Mondeuse de Savoie !
Au final, on retrouve avec plaisir certains de ces traits de caractère dans les vins du domaine. Ils sont structurés et élé-gants, très frais. Vous pourrez vous laisser surprendre sur chacune des cuvées « Les Terrasses » pour sa gourmandise, « Rocs blancs » pour sa générosité, « Les Grès », « Lema » ou « Mâle » ou encore « La Grande », pour des plats plus ambitieux de viande de caractère.
N : Quel est le vin que vous souhaiteriez mettre en avant ?
V : « Lema » est la cuvée emblématique de notre maison et donnera envie de découvrir le reste de notre gamme : sa robe aux beaux reflets grenat, le nez sur le chocolat, liqueur de mûre et poivre noir. Une bouche harmonieuse et gour-mande avec des tanins poudrés…
Cette cuvée est issue d’un assemblage de 50 % Syrah, 40 % Grenache et 10 % Mourvèdre, avec 20 % de la cuvée élevée en barriques. Un vin de 5 à 7 ans de garde. Nous vous recommandons de le déguster sur un Osso Bucco, un filet de veau gratiné au Beaufort, une souris d’agneau…
« Lema »
AOC Grès de Montpellier 2015 15 €.
N : Avant que l’on ne se quitte, quel serait votre rêve pour la suite de cette belle aventure ?
V : Conserver cette qualité de vie, cet équilibre. Je préfère avoir du temps, plutôt que de gagner plus d’argent en me contraignant à agrandir l’exploitation !
« Vinifilles, c’est une solide envie d’avancer dans le respect de cette culture (de l’esprit ou de la terre) qui nous est si chère ». Un bataillon au féminin qui s’engage dans un pied de nez à la morosité !
Domaine de Roquemale – Valérie et Dominique IBANEZ
Domaine et chambres d’hôtes
25 Route de Clermont – 34 560 VILLEVEYRAC
Tél : 04 67 78 24 10 – 06 85 93 51 64 – 06 10 89 59 11
contact@roquemale.com – www.roquemale.com
par Nathalie Guiltat,
sommelière
