On a cuisiné… Laurent NICOLLIN

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« Il y a des émotions qui passent à travers la bouffe »

MAKING-OF
8h30, le vendredi 29 janvier. Laurent Nicollin nous accueille dans son grand bureau au siège du groupe familial, à Garosud. Partout, des posters, maillots et souvenirs sportifs. Souriant, Laurent Nicollin est perplexe. « Je ne sais pas trop ce que vous attendez de moi. Je ne suis pas expert en cuisine ! » Mais pour les chefs de Montpellier, c’était une évidence : pour le premier numéro de Chefs d’Oc – Gastronomie et Art de vivre à Montpellier, c’était la personnalité à rencontrer. Peut-on concilier football et grande cuisine ? Oui, à en croire Laurent Nicollin, président délégué du MHSC et gastronome convaincu.

Laurent Nicollin, les chefs ont tenu à votre interview pour CHEFS d’Oc – Gastronomie et Art de vivre à Montpellier. Cela vous étonne ?
Cela me touche ! Il y a certainement des personnes plus compétentes que moi pour parler cuisine (il sourit). Après, c’est vrai que je vais souvent dans les restaurants. J’essaye de tourner, de faire travailler tout le monde. J’ai même tissé des liens d’amitié avec certains chefs.

Êtes-vous un fan de gastronomie ?
Fan, c’est un peu excessif… Mais par mon père, j’ai des origines lyonnaises. Donc forcément, avec mon frère, on est sans doute tombés très jeunes dans la marmite… On passait beaucoup de vacances chez notre grand-mère, à Lyon. La cuisine était plutôt riche. J’aimais beaucoup les quenelles, moins le boudin-patates !

Le goût pour les bonnes tables, c’est venu quand ?
Avec mon frère, on a été bercés dans les bons restaurants ! Même tout petits, on suivait nos parents un peu partout, au fil des rendez-vous de mon père pour le club de foot ou la société. On se retrouvait souvent le week-end dans des banquets, des restaurants. On a passé beaucoup de dimanches à la Mère Guy, à Lyon [NDLR : Deux étoiles, tenu par le chef Roger Roucou jusqu’à la fin des années 80.] Au-delà, on a toujours fêté les événements de famille dans des restaurants gastronomiques de Montpellier.

Aujourd’hui, le restaurant, c’est pour le travail ou le plaisir ?
Les deux ! Le midi, c’est pour le travail, mais cela n’empêche pas de passer un moment agréable. Le soir ou le week-end, j’y vais aussi pour des moments conviviaux avec la famille ou les potes.

Plutôt carte ou menu découverte ?
Carte ! Les menus, c’est très rare. C’est sympa, mais le problème, c’est que cela prend du temps. Donc je préfère choisir à la carte. Je dois tenir ça de mon père. Il ne supporte pas les menus, car il aime les plats bien consistants. Plein de petites assiettes, c’est psychologique, ça le bloque !

En général, que choisissez-vous ?
Quand on est dans un bon resto, autant en profiter. Je vais donc prendre une entrée et un plat. Viande ou poisson, classique ou nouveauté, cela dépend des envies du moment. Je me laisse porter. Quand je vais à la réserve Rimbaud, cela m’arrive des fois de dire à Charles Fontès de me faire ce qu’il veut, comme il le sent !

Vous aimez tout ?
Tout, à part les épinards : j’ai un mauvais souvenir de l’école ! Par contre, les desserts, ce n’est pas trop mon truc. Je préfère le salé au sucré. Mais je peux faire un écart : l’autre soir, pour mon anniversaire, j’ai mangé un truc au chocolat au Jardin des Sens ! C’est un peu plus compliqué quand je suis en mode régime : j’embête tout le monde, car ça me rend un peu psychorigide !

Votre menu idéal ?
Difficile… Entre les croquettes Rimbaud, les ravioles au foie gras du Jardin des Sens, les spécialités de la Maison de Lozère… Un mix de leurs cartes, cela pourrait être sympa ! Chacun a ses talents, ses qualités. Je ne suis pas sectaire, j’aime aller partout.

Il y a des plats qui vous ont marqué ?
Pas un plat, mais des odeurs, des goûts, des saveurs. Tu sais pourquoi tu es dans un bon restaurant. Un exemple : j’ai certainement mangé la meilleure bouillabaisse de ma vie au Bistrot de Bacchus. Je pense qu’il y a des émotions qui passent à travers la bouffe. Mais je suis de bonne nature : avec une bouteille de rouge, du saucisson, du jambon, du pain et du beurre, on peut passer un bon moment entre amis. Il paraît que vous adorez les croquettes Rimbaud de Charles Fontès… Ah oui, ça c’est top ! C’est un petit truc qui fait l’âme du restaurant. Elles ne sont plus à la carte, c’est normal que Charles évolue. Mais si tu les lui demandes, il les fera. Un soir, pour un repas à la maison, je lui en ai même commandé. Je suis allé les chercher au restaurant, je n’avais plus qu’à les faire réchauffer !

Vous êtes du genre cool ou pressé au restaurant ?
Quand tu es bien, que tu manges bien, que tu es bien accueilli, tu as envie que ça dure. J’ai un défaut, je mange très vite. Mais dans ce genre de lieux, avec les saveurs et les sensations que tu as, tu prends automatiquement le temps.

Montpellier est-elle une ville riche en bons restaurants ?
Il n’y en a pas assez, et on est certainement sous-coté. Un établissement comme La Maison de la Lozère devrait être étoilé depuis longtemps. Et sans faire offense à personne, je pense que le Jardin des Sens mérite plus qu’une étoile… [NDLR : interview réalisé en janvier 2016]

Le guide Michelin, c’est important ?
C’est un indicateur pour choisir un bon restaurant. Mais ce n’est pas ma marotte principale de trouver un étoilé pour aller manger ! A Paris, on peut prendre du plaisir dans plein de brasseries, de petits restos… Il faut trouver un juste milieu.

Le Jardin des Sens ferme. Cela va manquer à Montpellier ?
Personnellement, cela va me manquer ! Je n’y vais pas tous les trois jours, mais pour les moments importants. Je pense que c’est le meilleur restaurant de Montpellier. Pour moi qui suis né à Montpellier, c’est un symbole. J’ai grandi avec le Jardin des Sens, j’ai suivi leur évolution. Après, je ne me fais pas de souci pour eux. La Place de la Canourgue est magnifique et leur futur projet a l’air extraordinaire.

À la maison, vous cuisinez ?
Cela ne m’a jamais posé de souci. Je ne suis pas un cordon-bleu, mais je peux faire du poisson, de la viande… Une salade verte en base, du riz ou des pâtes en accompagnement… Un repas simple quoi ! Mon regret, c’est de ne pas savoir faire les sauces qui agrémentent un plat. J’aimerais apprendre, c’est quelque chose qui m’a toujours attiré.

Pas trop de pizzas surgelées, donc ?
Je ne suis pas du tout « surgelés ». Après, j’achète des pizzas pour les gosses, et je leur fais aussi des pâtes ! Mais les pâtes, ça peut être très bon, si on les accompagne. D’ailleurs, je fais une très bonne sauce tomate, pas mal aillée, avec du basilic et de l’huile d’olive !

Ça vous plairait de créer un restaurant ?
À une époque, j’y ai pensé. Après, il faut des opportunités. C’est un milieu compliqué. Si c’est juste pour mettre des sous, aller bouffer de temps en temps et faire les comptes à la fin du mois, ça ne m’intéresse pas. Ce que je voudrais, ce serait plutôt un truc d’amitié, créer quelque chose de beau, une aventure !

Vos footballeurs sont tenus à une hygiène alimentaire stricte. Sont-ils interdits de bonnestables ?
Des fois, il vaudrait mieux que les joueurs mangent une entrée et un plat dans un restaurant gastronomique plutôt qu’une pizza ou des pâtes chez eux ! Ce sont des plats de qualité, de bons produits. Tu peux prendre un très bon poisson au Jardin des Sens, ce n’est pas ça qui te fera grossir. C’est sûr, après un aligot, tu auras du mal à courir !

On entend souvent que les transferts et contrats se règlent au restaurant. Le foot se joue dans l’assiette ?
Ce n’est pas le foot, c’est le monde des affaires ! C’est toujours agréable de signer un contrat, de développer un projet autour d’une bonne table. C’est quand même plus convivial de bosser en mangeant quelque chose de sympa, avec un bon verre de vin. On passe un bon moment, et ça permet de créer plus de liens, d’avancer.

Après un match, est-ce que vous allez au restaurant ?
Encore faudrait-il qu’il y ait des lieux ouverts à Montpellier après les matchs ! Depuis que la Côte à l’Os est fermée, c’est un peu compliqué de trouver un truc le soir. C’est peut-être un concept à créer.

On mange plus pour célébrer une victoire ou oublier une défaite ?
Après une victoire, on est bien, on vole ! On ne mange pas plus, mais on est plus ouvert, plus aimable, on accepte plus facilement les invitations à droite à gauche. Une défaite, cela ne coupe pas l’appétit, mais on n’a pas spécialement envie de se montrer, d’aller voir des gens, de discuter. On mange un petit morceau au salon VIP du stade, pour saluer les sponsors. Et après, on rentre à la maison. Et du coup, en ce moment, je rentre souvent à la maison !
Espérons que cela change…

PROPOS RECUEILLIS PAR GWENAËL CADORET / PHOTO GUILHEM CANAL