C’est au cœur d’une nature préservée que débute notre aventure, au cimetière de Aumes, à proximité de Montagnac. Nous sommes attendus par Laouari Belkhouane, expert en plantes sauvages, et le chef étoilé, Guillaume Leclère, pour quelques heures dédiées à la découverte des trésors naturels lors d’une cueillette.
Laouari Belkhouane est un homme dont le parcours est aussi riche que la nature qu’il chérit. Après une formation en vente de produits frais et plusieurs années dans la grande distribution, il décide de réorienter sa carrière. “Mon père était régisseur chez un producteur de melons. Moi, j’ai exploité dans ses champs, enfin toutes les parties qui n’étaient pas cultivables. J’ai développé un jardin là comme ça”, raconte-t-il.
Chaque fin d’été, il donne sa surproduction de légumes à un restaurant local, L’ACD à Sète.
Un jour, Guy Savoy goûte ses produits et lui commande immédiatement un panier. Laouari
recevra même une photo de ses légumes cuisinés par le chef, une image qui agit comme un déclic. Cette expérience l’amène à s’intéresser sérieusement à la gastronomie et à collaborer avec d’autres grands chefs. En effet, ses fleurs sauvages séduisent et titillent les papilles des plus grands gourmets. Et ses clients sont des pointures de la gastronomie, comme Guillaume Leclère, qu’il livre chaque semaine. La relation entre les deux hommes démarre au début des années 2010, alors que Guillaume travaille dans les cuisines d’Anne Majorelle. “Avec le chef, on se comprend. On a le même respect pour les produits et la nature” confie Laouari. Guillaume ajoute : “J’ai une cuisine très végétale.
Je travaille un peu moins les fleurs, c’est plus fragile. Cela nécessite des infusions ou des décoctions. Mais c’est vrai que les asperges ou les poireaux sauvages représentent une réelle plus-value”. Depuis peu, Laouari fournit également la cheffe étoilée Anne-Sophie Pic. “C’est Maxime Lhermet, un artiste peintre, qui nous a mis en contact. Je lui ai offert des mûres congelées en glacière, du vin nature de Patrick Desplats et des fleurs de courgettes. C’est comme cela que nous avons commencé à travailler ensemble”. Laouari nous guide à travers les sentiers et les champs en quête de trésors naturels. En chemin, il partage ses connaissances sur les plantes qu’il ramasse et ses conseils. “Si tu vois une allée de pins comme ça, tu peux être sûr qu’il y a des asperges dessous. Si c’est la période”. Des fleurs d’olivier, des pommettes rouges, des fleurs de Nigelle, des artichauts, des mauves, de la bourrache, du salsifis, des nombrils de Vénus, des coquelicots…
Autant de pépites qui s’épanouissent sans engrais ni pesticide. La cueillette s’étire parfois toute une journée. “Je cueille presque tous les jours et si ce n’est pas pour vendre, c’est pour donner”. Si son activité connaît une certaine saisonnalité, Laouari peut récolter toute l’année. “La meilleure période pour moi, c’est août et septembre. On arrive en fin d’été. C’est très riche, il y a beaucoup de choix et les fruits sont arrivés à maturité. Il y a plus de volume”. S’il a travaillé comme maraîcher sur Mèze quelques années, aujourd’hui il consacre son temps à la cueillette et à la production de fleurs de courgettes. Il commence à les cueillir dès 5 heures du matin, ramassant jusqu’à mille fleurs en trois heures. “Je les ramasse encore fermées. C’est une production intéressante économiquement”, précise-t-il. À 1 € la fleur, cette activité montre comment la nature peut être à la fois généreuse et rentable, lorsqu’on sait l’écouter et la respecter. Mais ne vous y trompez pas, la cueillette sauvage est pour lui bien plus qu’une activité économique, c’est un mode de vie, une philosophie.
“J’aime ce que je fais parce que cela a du sens. J’aime donner, partager. Les gens qui apprécient vraiment ce qu’ils mangent, c’est ce qui me motive”, dit-il avec passion. La sécheresse récente et les changements climatiques n’ont pas épargné l’activité de Laouari. “C’est un exemple, mais cette année, on a eu peu d’asperges. L’année d’avant, on n’en avait pas. Les mûres, elles sont grillées sur les plantes, avant même d’arriver à maturité. Il y a des essences qui n’arrivent même plus à fructifier correctement ici. Il va falloir aller un peu plus dans les terres et plus en altitude”, admet-il. Notre initiation se termine à Mèze par une cueillette de salicorne sur les rives de l’étang de Thau, une merveille de la nature. La salicorne a ce goût salé unique qui rappelle l’océan. En nous quittant, Guillaume Leclère résume parfaitement la journée. “Avec Laouari, chaque cueillette est une aventure. On découvre toujours quelque chose de nouveau, un goût, une histoire. C’est cela aussi la gastronomie”.