Dans le Haut-Languedoc, à deux brasses de La Salvetat-sur-Agout, Jean-David Rebichon et Marion Chossonnery ont lancé la Ferme Aquacole de Condax en 2023. Dans les eaux cristallines du Vernoubre, ils élèvent truites arc-en-ciel, farios, saumons de fontaine et ombles chevaliers avec une attention presque religieuse. En compagnie des chefs Thomas Réa et Richard Juste, nous avons plongé dans leur univers.
Tout commence par une trouvaille sur Leboncoin. Marion et Jean-David, en quête d’un projet plus sensé que leurs carrières dans l’immobilier et l’ingénierie, tombent amoureux d’un terrain isolé, intact, au bord du Vernoubre, une rivière cristalline qui dévale des monts de Lacaune. La pisciculture, fondée en 1976, avait été abandonnée depuis des années, envahie par les ronces et les filets rouillés. Mais le charme brut du lieu les conquiert. Après des mois de défrichage, d’aménagements et de nuits blanches, leur ferme aquacole renaît et devient le théâtre d’une production d’exception.
Le couple ne se contente pas d’élever des poissons. Avec leur marque “Truite du Haut Languedoc”, ils veulent incarner bien plus : une identité forte, enracinée dans ce terroir sauvage. Leur objectif ? Obtenir à terme un label de qualité, témoignage de leur engagement pour une aquaculture respectueuse et exigeante. Ces poissons ne sont pas de simples produits : ils sont le reflet d’un savoir-faire et d’un écosystème vivant.
Sur le site, la nature règne en maître, mais pas en anarchie. Quelques morceaux de poisson bien disposés attirent les renards, qui régulent naturellement les populations de rongeurs. Hérissons, chouettes et blaireaux participent aussi à ce ballet d’équilibre, tandis que la rivière, le Vernoubre, traverse forêts et prairies sans croiser le moindre polluant. Résultat : une eau très froide et immaculée qui sublime chaque poisson. Cette authenticité séduit les chefs étoilés. Thomas Réa et Richard Juste, présents lors de notre visite, louent les qualités des truites de Condax, qui finissent en tartares délicats ou en filets fumés. Ici, chaque décision a du sens. Jean-David applique l’ikejime, une technique japonaise d’abattage qui respecte l’animal tout en préservant la qualité de la chair. Des couverts végétaux sont en projet pour protéger les bassins du soleil, et les tanches – surnommées “poissons médecin” – pourraient bientôt rejoindre les bassins pour nettoyer naturellement les fonds et contribuer à la bonne santé des truites. “On veut que tout soit en harmonie”, explique Marion. Et cela va même jusqu’au transport : leurs poissons ne voyagent jamais sur glace, une méthode qu’ils jugent énergivore et peu hygiénique, mais en froid sec, pour une conservation optimale. L’avenir de la Ferme Aquacole de Condax ne s’arrête pas à l’élevage. Dans les années à venir, un laboratoire devrait voir le jour pour produire des charcuteries de poisson et expérimenter la maturation.
Actuellement, leurs poissons enchantent une cinquantaine de restaurants, de Montpellier à Albi, des étoilés aux plus modestes. Un bel élan pour une ferme où chaque geste raconte une histoire de respect et de patience. À Condax, Jean-David et Marion cultivent bien plus que des truites : ils façonnent un lien rare entre nature et gastronomie, dans la simplicité d’un rêve devenu réalité.