C’est dans l’enceinte élégante de l’hôtel Richer de Belleval, sous le regard bienveillant des chefs Pourcel, que nous avons rencontré Anne-Marie Amoros, directrice de France Bleu Hérault, le temps d’un questionnaire épicurien. Un moment empreint de délicatesse, qui a fait honneur à la richesse et à la diversité de notre patrimoine culinaire. Une entrevue, à la fois intime et universelle, qui nous invite à un voyage sensoriel, où chaque plat raconte une histoire, chaque saveur évoque un souvenir. Un hymne à la joie de la table et à la beauté de l’art culinaire.
Si je vous dis “gastronomie”, à quoi pensez-vous ?
À l’alchimie des mélanges. Au plaisir. Aux plaisirs de la table. À la convivialité. À l’art aussi. Je trouve que les personnes qui transforment les produits pour en faire des mets délicats, des plats, les associer… ce sont des artistes. De même que le dressage d’une table doit être artistique. La verrerie, les assiettes, les couverts, les carafes, tout cela participe au plaisir, à la beauté. Et je pense que l’on a vraiment besoin de beauté, d’excellence.
Comment jugeriez-vous l’évolution de la gastronomie sur notre territoire ?
Je trouve qu’il y a une vraie envie. Il y a beaucoup de talent, et aussi une nouvelle génération particulièrement douée. Nous avons une gastronomie qui est très vivante et une richesse en termes de produits et de lieux aussi qui associe la cuisine et l’art culinaire comme ici, à Richer de Belleval. Des lieux festifs comme les halles ou les tiers-lieux. Je trouve qu’il y a un réel engouement pour les bons produits, pour la table, pour la convivialité. Nous avons aussi beaucoup de producteurs qui font des choses magnifiques et qui prennent des initiatives qu’il faut valoriser. Nous avons une émission tous les jours où nous évoquons des producteurs, mais aussi de bonnes adresses, des conseils pour trouver du bon pain, de la bonne charcuterie, des bons légumes etc.
Si vous deviez choisir un plat pour égayer une journée grise, lequel serait-ce ?
Un plat à base de fenouil. Cela peut paraître bizarre ! (Rires) Confit longtemps dans une poêle avec un peu d’huile d’olive, du gingembre, quelques tomates, des carottes… c’est joyeux, c’est un plat réconfortant.
Dans le match culinaire du siècle, quels sont les vainqueurs : les recettes de grand-mère ou les innovations du chef étoilé ?
Je ne choisirai pas. J’aime la cuisine de grand-mère, je pense à tous les plats que me cuisinait ma mère… des lentilles, mais également des pot-au-feu, des ragouts. Mais tout dépend de l’occasion. Si vous recevez des amis, vous avez envie de faire découvrir une part de votre histoire, vous allez plutôt viser une cuisine qui reprend l’héritage de vos parents, des personnes que vous aimez. Mais rien n’empêche d’y apporter des touches plus novatrices. De la voir autrement.
Quel est le restaurant qui figure en tête de votre liste de souhaits gastronomiques ?
C’est difficile… C’est une histoire de moment… on ne va pas au même endroit selon les envies. J’ai un regret, c’est de ne pas être allée manger un jour à El Bulli. Je crois que j’aimerais faire tous les étoilés qui existent. En fait le restaurant que j’aimerais découvrir, c’est celui que je ne connais pas. Je suis par contre assez exigeante, je préfère ne pas aller au restaurant si je dois être déçue. Je suis attachée aux produits frais de qualité qui sont vraiment travaillés. En fait, ils ont une saveur différente.
Quelle est votre table préférée ?
J’ai eu la chance de manger ici, au Jardin des Sens. C’était pour l’anniversaire de ma fille, pour ses dix-huit ans. C’était un moment magique, très fort.
Racontez-nous votre souvenir le plus mémorable lié à la gastronomie…
J’ai un souvenir de pâtes alle vongole à Naples avec une amie sur le port, dans une toute petite gargote… c’est un souvenir merveilleux. Ou encore d’un dîner avec un ami italien chanteur d’opéra qui m’avait préparé des petits artichauts farcis.
Avez-vous une madeleine de Proust ?
Il y a un gâteau de mon enfance réalisé par un pâtissier de la ville de Dole que je n’ai jamais retrouvé. C’est mon père qui m’en achetait après son travail, vous savez, c’est une meringue parsemée de petites pastilles chocolat. J’ignore comment ce pâtissier procédait, mais à la moitié, il y avait comme des billes de miel et une fine couche de chocolat crémeux. J’aimerais que ma maman cuisine encore pour moi mais elle est trop âgée, elle a 94 ans. J’adorais ses pommes de terre et ses artichauts farcis.
Placez-vous la France sur le podium gastronomique mondial ?
Oui. Elle est assez extraordinaire, entre les produits de la mer en passant par le foie gras et des viandes exceptionnelles. Enfin voilà, on a des fromages. Je pense que l’on a une diversité de produits et de façons de travailler ces produits qui est assez fabuleuse, même dans la simplicité. Après j’ai aussi pu apprécier les gastronomies italienne, grecque… ou africaine. J’ai vécu en République du Congo. Ils n’ont quasiment rien à manger, mais ils confectionnent des plats incroyables. Comme le Chikwangue. J’aime aussi beaucoup les produits asiatiques. Cela donne envie de manger, tout ça ! (Rires)
Quels trésors trouve-t-on dans votre frigo ?
On va trouver toutes sortes de légumes, du gingembre. De la coriandre. De la bonne viande, du poisson, des petits rougets… des oignons, des échalotes, de l’ail. J’aime beaucoup aller au marché à Sète ou à Pézenas.
Avez-vous un petit plaisir coupable ?
Du très bon pain avec du chocolat noir pour le goûter. Comme les enfants ! (Rires)
Si vous étiez un plat, une recette, que seriez-vous ?
Une omelette aux olives. C’est une recette de ma maman. J’aime le mélange entre le moelleux de la pomme de terre et l’acidité de l’olive. La base est une omelette aux pommes de terre sur laquelle on dépose une sauce béchamel et des olives. C’est un plat tout simple, un peu rustique, mais très savoureux.
Et un vin ?
Si l’on parle des vins d’ici, j’aime bien le Viognier. J’apprécie les Pic Saint-Loup, parce qu’ils contiennent quelque chose d’assez terreux et de fort. Mais si je devais choisir, je serais un champagne brut, hyper sec.