Aigues-Mortes, dans le Gard, près du Grau-du-Roi. À deux pas de la mer Méditerranée, les vignes du Domaine Royal de Jarras plongent leurs racines dans l’histoire mais surtout dans les sables de la côte camarguaise, l’un des terroirs les plus originaux de l’hexagone. Le groupe Vranken y peaufine un rosé gris, pour lequel la demande ne tarit pas.
La vigne à Aigues-Mortes, une longue histoire
Terre nourricière grâce à la domestication du Rhône, la Camargue est une région d’élevage et de culture aux paysages hors du commun. Dotée d’un terroir singulier et méconnu, elle donne naissance à des vins dessinés à son image. Ce n’est donc pas le hasard qui nous mène jusqu’ici à la rencontre de Bruno Mailliard directeur général du Domaine Royal de Jarras. Le raisin y pousse depuis le Moyen Âge et devient une affaire sérieuse au XIXe siècle. Alors que le phylloxéra ravage le vignoble mondial dans les années 1860, la Petite Camargue, elle, est épargnée. Le vilain puceron n’aime pas le sable. Ce qui explique que l’on y trouve des vignes “franc de pied”, c’est-à-dire non greffées, aujourd’hui reproduites en pépinières. La période sera faste pour la Compagnie des Salins du Midi qui vend son jus sous l’appellation Sable de Camargue. Le potentiel qualitatif est réel, grâce à la pauvreté du sol sableux, sec, superficiel et sans argile.
Une terroir qui ne ressemble à aucun autre.
Il faut le dire, l’endroit a de la gueule. Sur la petite route qui mène au vignoble, les pins parasols trônent fièrement. Tout autour, 430 hectares de raisin, avec des rangs de 3 kilomètres, les plus longs d’Europe, s’étirent à perte de vue sur une propriété de 900 hectares. Situé sur des cordons littoraux fossiles construits au cours des siècles à partir de sédiments transportés par le Rhône, l’environnement sauvage classé Natura 2000 est exceptionnel à plus d’un titre. Bien sûr, le sol est facile à travailler puisqu’il s’agit de sable. En revanche, il a ses exigences. Assez pauvre, il doit être amendé et surtout protégé du sel, son ennemi intime qu’il faut tenir à distance pour faire vivre la vigne. Un rôle essentiel tenu par les 40 kilomètres de roubine qui ceinturent l’exploitation. Un peu moins d’une centaine de chevaux de race camarguaise contribuent également à maintenir le milieu “ouvert”. Afin d’éviter l’érosion éolienne, un couvert végétal de seigle protège le sol d’octobre à mai. Plus de cinq mille moutons pâturent ces herbages durant tout l’hiver. La fertilisation est essentiellement organique. En 2005, le rachat par Paul-François Vranken marque un nouveau tournant dans l’histoire du vignoble. Jarras devient le Domaine Royal de Jarras, en référence à Louis IX qui fit construire un port à Aigues-Mortes d’où il partira pour les croisades. La cave est rénovée et le vignoble entame sa conversion en bio.
Fraîcheur et salinité.
La colonne vertébrale de Jarras est le cépage grenache, noir ou gris, assemblé avec entre autres du cinsault, de la syrah, ce qui donne à 95 % un vin gris. La dégustation donne à boire des cuvées vinifiées simplement, élevées en cuve inox et dotées d’une grande fraîcheur grâce à un climat tempéré, 5 °C de moins qu’à Montpellier ou à Nîmes. La buvabilité et la texture fine des vins sont sans aucun doute en lien direct avec le sol sablonneux. Autre dénominateur commun des cuvées, cette salinité héritée des salins et de la mer tout proches qui berce la propriété de son atmosphère maritime. Jarras commercialise quatre cuvées et trois millions de bouteilles, dont le Pink Flamingo avec sa bouche ample et généreuse aux notes de fruits à chair blanche relevées par une belle finale saline. Mais aussi des cuvées de prestige comme la Favet 9-10 avec sa bouche intense d’arômes de petits fruits rouges et d’amandes grillées, et même un vin pétillant. Près de 60 % de la production partent à l’étranger. Le défi reste de monter en gamme, en caractère et en complexité. Pour cela, les producteurs de vin de sable camarguais, Jarras en tête, attendent avec enthousiasme le label AOP, qui pourrait arriver rapidement.
DOMAINE ROYAL DE JARRAS
30220 AIGUES-MORTES
TEXTE MARIE GINESTE
PHOTOS ©GUILHEM CANAL