Sophie Guiraudon tenait absolument à nous recevoir sur ses terres en cette belle saison printanière,
Et l’on comprend très bien pourquoi. La vigne est belle, ses feuillages au vert tendre se mêlent aux premières fleurs. Les sols sont tapis, çà et là, d’un florilège de plantes, où les insectes butineurs s’en donnent à cœur joie ! Sophie, en hôte de ses lieux, nous invite à entrer en communion avec la nature. Quelle judicieuse idée de nous avoir organisé cette dégustation dans ce site d’une sérénité absolue, permettant de démultiplier nos sens.
NATHALIE : D’où le nom de votre domaine vient-il ?
SOPHIE : Cela signifie “agneau” en occitan, prononcer “Agniel”. Du fait que se tient une bergerie au milieu des parcelles.
Après avoir sillonné le Grand Sud à créer du vin pour les autres, car vous êtes œnologue de formation, à quel moment l’idée d’avoir votre propre domaine a-t-il germé ? Une reprise familiale ?
J’ai acheté des parcelles plantées de vieux cépages, de l’appellation Corbières, en 2000. Je suis vigneronne depuis zéro génération, je travaille 10 ha de vigne sur le terroir de Lagrasse, en agriculture biologique. Je suis la femme à tout faire du domaine, de la vigne à la bouteille.
Au fond, qu’est-ce qui vous anime depuis toujours dans votre métier ?
Je ne pouvais envisager d’être paysanne, autrement qu’en respectant complètement la terre, la flore et la faune. Je ne pouvais pas envisager de dire à mes enfants : “Ne mange pas du raisin, ne cueille pas les mûres, les guignes, ne ramasse pas les poireaux sauvages…” tenez, dégustez cette petite fleur violette, l’Aphyllanthe de Montpellier !
Quand nous regardons autour de nous, on constate la symbiose des parcelles avec cette nature sauvage, contrairement à beaucoup de vignobles offrant à perte de vue des lignes de rangs de vignes.
Je ne voulais pas d’un vignoble sans haies, sans arbres, sans oiseaux, sans vers de terre, sans vie ! J’ai planté 200 arbres, installé nichoirs à mésanges, et à chauves-souris (grands prédateurs à insectes), préservé les haies, replanté sur des petites parcelles avec une belle diversité de cépages, de porte greffes, de clones et aussi par sélection massale, afin d’encourager la diversité encore et encore… Ces choix sont avant tout un grand plaisir, ils apportent à mes vins plus de complexité, de personnalité, plus d’équilibre. Chaque année, selon les conditions climatiques, le travail effectué, mon humeur, la vigne s’exprime différemment, chaque parcelle réagit de manière variable et c’est tant mieux. Aucune constance, si ce n’est de faire de mon mieux !
Je vois des vignes en cordon de Royat, alors que les autres ne le sont pas…
Oui, en effet, la majorité de mes cépages sont taillés en gobelets, car une grande partie sont très vieux comme les Carignan, que j’affectionne beaucoup, qui ont entre 60 et 100 ans ; mes jeunes plants seront menés de la même manière, à l’exception de la Syrah car cela lui est plus bénéfique. Les vendanges se font à la main. Ce qui me convient parfaitement.
Quels sont vos projets ?
Passer à la biodynamie et plus particulièrement travailler avec les plantes. C’est encore plus de travail, mais c’est dans l’ordre des choses. Cela se fera doucement mais certainement. Il y aura, comme il y a eu, des erreurs, des essais, comme des réussites, encore et encore… Et aussi, du fait du réchauffement climatique, certains cépages souffrent. Le terroir des Corbières est déjà un terroir aride, il va falloir réfléchir pour s’adapter. Je suis trop éloignée de la rivière pour arroser ; il est impensable de faire venir de l’eau par citerne.
Autant dire que Sophie s’attelle à la patience, faisant preuve d’abnégation. Par son travail acharné, garantit à ses vignes une bonne santé et obtient des raisins sains. Et c’est dans l’ordre des choses, son travail se poursuit à la cave et génère un bon vin, non stéréotypé, offrant bien d’autres saveurs. Tous ses vins sont d’une grande finesse. Elle recherche l’élégance sans en oublier le goût du terroir. Chacune de ses cuvées a son caractère et nous offre des moments de plaisirs distincts. Jamais d’élevage en fût pour toutes ses cuvées, laisser parler les arômes primaires avant tout ! Ce petit bout de femme est une grande dame discrète !
Quel est le vin que vous souhaiteriez mettre en avant ?
AOC Corbières “Les Dimanches” millésime 2016, un millésime de garde car beaucoup de matières (5 à 7 ans, et pour un magnum 10 à 15 ans). Pour l’anecdote, “Dimanche” techniquement signifie un “manquant”, c’est-à-dire un pied de vigne qui manque dans la rangée.
Cette cuvée présente un nez très expressif, qui rassemble la tapenade, la garrigue, les épices douces, la cerise confite et le pralin. La bouche charnue avec une belle densité se distingue par son côté crémeux et velouté. Les tanins sont présents mais au grain fin.
Un millésime qui sera doté d’un bel équilibre, un vin riche, complexe et élégant pour un moment exceptionnel.
Cépages : Vieux Carignan de plus de 80 ans et un peu de Grenache et de Syrah
Quelques associations savoureuses : Gigot d’agneau, viandes rouges…
Température de service : 15°à 18°C
Prix public : 18 €
Clos de L’Anhel Agriculture biologique
Sophie Guiraudon, Vigneronne en Corbières
2, Rue des Montlauriers – 11 220 MONTLAUR
T. 04 68 76 16 23 – T. 06 77 09 65 48
anhel@orange.fr – www.anhel.fr
Par Nathalie GUILTAT SOMMELIÈRE
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