“J’ai eu une chance inouïe”. Ce sont ses propres mots. A 58 ans, celui qui a été le journaliste sportif de France bleu Hérault pendant 35 ans commente désormais depuis presque deux ans les matchs du MHSC directement sur la page Facebook du club. Bien connu pour son humour, sa verve ainsi que son amour démesuré du sport et de la Paillade en particulier, Philippe Sers est aussi un épicurien affirmé. C’est en toute simplicité que nous avons pu échanger sur ses appétences, le temps d’un déjeuner orchestré par le talentueux Paul Courtaux du Saint-Georges à Palavas-les-flots, son lieu de résidence.
Chef d’oc : Vous abordez votre parcours avec beaucoup de modestie.
Philippe Sers : C’est toujours difficile de parler de soi, je risque d’ailleurs d’être embarrassé plusieurs fois.
Vous êtes une voix emblématique pour plusieurs générations de supporters…
Je m’en suis vraiment rendu compte lorsque j’ai été malade, en 2010. J’ai reçu beaucoup d’amour et de soutien. Pourtant je ne suis pas Patrick Bruel ! Je crois que c’est à ce moment que j’ai fini par l’accepter, parce qu’elle est belle, cette réalité. Il y a beaucoup de bienveillance dedans. Il faut se méfier de la fausse modestie.
Voulez-vous nous raconter votre histoire ?
Comme tout le monde, je me suis cherché. J’ai vendu de la pub, j’ai travaillé à la Caisse d’Épargne, j’ai été livreur de fleurs. Je n’ai qu’un truc, c’est mon diplôme d’écailler. Après une saison à la Grande Motte, je suis entré au service d’un restaurant italien, rue du Petit Saint-Jean à Montpellier, tenu par une famille italienne.
Mais seulement la semaine, je n’étais pas assez bon… mais le patron s’était pris d’affection pour moi. Le weekend, je travaillais pour une radio associative. Un jour je leur ai dit : “Tiens, pourquoi ne proposerait-on pas les matchs de foot, personne ne le fait”. Et puis Radio France s’est installée à Montpellier, le rédac chef s’est présenté au restaurant et m’a proposé le sport ! Et voilà, c’était parti.
Avez-vous toujours eu cette gouaille ?
Pourquoi l’eau mouille-t-elle ? Pourquoi l’ampoule éclaire-t-elle ?
C’est très difficile d’expliquer les évidences ! J’ai eu la chance d’exercer un métier qui m’éclate, sans formation car j’ai tout appris sur le tas, et en plus chez moi ! Jamais je n’aurais imaginé en faire ma vie professionnelle !
On dit de vous que vous êtes un épicurien…
J’ai deux passions. La table et, plus “ancestralement”, le vin. Une passion qui, fort heureusement, n’est pas à l’égal de ma consommation sinon j’en boirais des litres et des litres par jour !
Plus sérieusement, à une certaine période de ma vie, j’étais même devenu collectionneur. Pour tout vous confier, au meilleur de ma forme, j’ai eu une verticale de 1970 à 2000. Une bouteille par ville en ligue 1 de football ! Dès que j’arrivais quelque part, je cherchais un caviste. Et il faut le dire, j’allais loin dans le délire. Je parlais à mes bouteilles, je notais sur des fiches bristol, que j’ai conservées dans des classeurs, où je les avais achetées, à quel prix, à quelle occasion, quand je les avais bues, avec qui, avec quoi. C’était mon délire. Et puis avec la naissance de mon premier fils, mes priorités ont évolué.
Y a-t-il des vins que vous préférez ? Une région que vous appréciez davantage ?
J’adore les blancs, un peu moins les rosés. Les meilleurs vins blancs du monde, pour moi, sont les
Bourgognes. Le Meursault-Charmes, c’est quelque chose ! J’ai aussi un faible pour les Rieslings. Par contre, je ne suis pas vraiment à genoux devant les Bordeaux. Cabernet Sauvignon, Merlot c’est agréable, mais je préfère des vins plus légers, plus charmants. Mais je suis surtout un grand défenseur des vins du Languedoc. J’ai découvert le clos Marie cuvée Manon 2018 chez Nutile à Nîmes. Attention, n’allez pas imaginer n’importe quoi ! Je n’ai pas gagné au loto ! C’était une petite folie. D’ailleurs, il y a une quinzaine de jours, il y avait le dernier marché aux truffes à Claret, un prétexte pour sortir. Nous étions une dizaine et je leur ai dit : “on est juste à côté, allons-y !”. On y est allés en procession… malheureusement il n’y avait personne ! J’aime beaucoup le Mas Jullien aussi !
J’ai le souvenir d’un magnum blanc de 2007 incroyable. Je me réjouis que notre pays soit une magnifique terre d’accueil pour des cépages d’ailleurs comme le Chardonnay, la Roussanne, le Vermentino, le Rolle…
Je trouve ça fantastique !
Quel est votre meilleur souvenir autour du vin ?
Le premier anniversaire de mon fils Robin, en 1993. J’avais décidé d’ouvrir un Mouton Cadet de 1970. Pire qu’un curé le dimanche matin ! J’exagère à peine le trait ! J’ai téléphoné aux 4 ou 5 plus grandes toques de la région de l’époque. Je ne savais pas quoi faire avec. Ils ont tous joué le jeu.
Je n’avais que l’embarras du choix. Je me suis tourné vers Michel Loustau et ses Tournedos Rossini aux morilles. À sa demande, je suis allé le voir, avec des truffes. J’étais tout fier. Il m’attendait à l’entrée pour m’emmener en cuisine. Le palais des glaces ! C’était Versailles ! Cela brillait de partout ! Cette cuisine m’a ébloui ! J’étais comme un gamin ! Il me dit de revenir à 14h30. Confus d’admiration, je m’exécute. À mon retour, il avait placé dans un premier plat une sauce aux morilles. Dans un deuxième, six petites truffes enrobées de foie gras avec une sauce au Porto de l’année du Mouton ! Incroyable ! Et tout cela il me l’a offert, pour le petit. Je n’ai jamais oublié ce moment.
Et votre meilleur souvenir de gastronomie ?
Chez mon copain Albano à la Tamarissière, pour son carré de loup… sa merveilleuse déclinaison de fraises en dessert pour la fête des mères. J’avais beaucoup de tendresse pour lui.
Si vous deviez offrir une spécialité d’ici, de quoi s’agirait-il ?
Un repas chez Paul ! J’ai rarement trouvé autant de jonction entre l’accueil, la qualité de la cuisine, le visuel, et le rapport qualité prix. Et puis Paul est quelqu’un de très abordable, souriant, engageant). Paul rend accessible une cuisine de qualité ! Regardez de quoi nous nous délectons ! Que ce soit un ceviche de maquereau, son chou farci de foie gras et de langoustine, ou encore le filet de daurade royale, en pêche palavasienne s’il vous plaît ! Il n’y a rien à redire ! C’est fantastique !
Aimez-vous savoir qui se cache derrière l’assiette ?
Comme tout le monde ! J’aime bien que le chef passe !
Dans votre frigo, que trouve-t-on ?
Toujours du poisson ! Du saumon, c’est un basique, mais je ne vais pas le chercher en grande surface. J’ai mes adresses… il vient d’Irlande. On aime ou on n’aime pas, moi j’adore ça ! De la charcuterie aussi, rarement de la viande car je l’achète, je la mange !
Êtes-vous plutôt cuisine moderne ou traditionnelle ?
Je n’ai pas vraiment de préférence, je me laisse porter par tout. Par contre je suis un amateur de sucré-salé. J’aime les épices. Après il y a des barrières qui tiennent à l’âge, enfin au passé. Par exemple, il est hors de question qu’on prononce certains mots ! Ça va être difficile pour moi… “Salsifis” ! Je le vois à deux cents mètres ! Il n’est pas encore cuit, je prends la rue d’à côté !
Face à une carte, prenez-vous des risques ?
Complètement ! Je ne vais pas chercher ce que je connais ! Après il y a des cuisines qui me sont totalement inconnues et qui, je l’avoue, ne m’attirent pas vraiment. La cuisine moléculaire, par exemple. Ma curiosité naturelle me pousserait à goûter, mais ce n’est pas ce que je choisirais en premier.
Cuisinez-vous ?
C’est le paradoxe, non ! Enfin, j’ai eu trois enfants alors, le minimum ! Pâtes, gratins, cuisson des viandes. Ce que j’arrive un peu mieux à faire aujourd’hui, c’est synchroniser ! Mais je regarde beaucoup les émissions de cuisine, je suis un fan de Top Chef, ça me fait rêver ! Ça me donne faim, même si j’ai fini de manger.
Vous êtes un fervent défenseur du terroir. Est-ce quelque chose que vous partagez avec vos enfants ?
Complètement. J’ai des défauts, mais il y en a un que je n’ai pas, je suis le meilleur papa du monde ! Enfant, je les emmenais dans les vignes, on ramassait les sarments en prévision des grillades. Le dernier a 11 ans, avec lui pour l’instant c’est plutôt Champomy et jus de pomme. Mais l’heure viendra !