Questionnaire Épicurien avec Patrice CANAYER et Eric CELLIER

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Ancien entraîneur mythique du Montpellier Handball, aujourd’hui conseiller régional, Patrice Canayer partage autour d’un repas à L’Arbre, à Montpellier, sa vision du sport comme vecteur éducatif, son attachement à l’Occitanie et sa passion pour la convivialité qu’offre la gastronomie. Une rencontre épicurienne riche en confidences et en réflexions sur l’art de vivre régional.

Le sport peut-il être un levier pour sensibiliser à l’alimentation ?
Absolument. Nous avons récemment travaillé sur des actions de sensibilisation au bien-manger avec le conseil régional. Les entraîneurs et coachs sportifs sont souvent mieux écoutés que les parents. Quand un entraîneur dit : “Mange bien, hydrate-toi, c’est essentiel pour tes performances”, les jeunes sont plus réceptifs. L’émetteur est aussi important que le message. Nous avons plusieurs élus anciens sportifs, comme Yannick Jauzion ou Christophe Manas, qui soutiennent activement cette démarche.

Quels moyens concrets envisagez-vous pour porter ce message ?
Nous travaillons sur des campagnes adaptées aux jeunes, en impliquant des entraîneurs de proximité et des sportifs de haut niveau. Ces derniers sont de véritables modèles pour les jeunes. Un message sur la nutrition, relayé par un athlète reconnu, a bien plus d’impact qu’une affiche anonyme.

Vous avez évoqué le projet MedVallée à Montpellier. De quoi s’agit-il ?
MedVallée est un concept de santé globale qui intègre l’activité physique et l’alimentation. L’idée est de mieux équilibrer la place des lobbies alimentaires face à la promotion du sport. On veut agir sur la prévention : bien manger et bouger, ce sont les deux piliers du bien-être.

Quelle est votre relation personnelle avec la gastronomie ?
Je ne me considère pas comme un gastronome. Je cuisine très peu, et je n’ai pas un palais d’expert. Ce que j’apprécie avant tout, ce sont les moments de convivialité autour de la table et les échanges avec les chefs. Ce sont des passionnés. Discuter avec eux de leur métier, comprendre leur parcours et leur vision du produit, c’est ce qui me plaît le plus.

Un souvenir gustatif marquant ?
Les souvenirs sont souvent liés à des émotions ou à l’enfance. Mon grand-père, compagnon du devoir boulanger, m’a appris le respect du produit et la rigueur du travail bien fait. J’ai passé des étés à couper des pêches en morceaux de la même taille pour ses tartes ! Sinon, je garde un souvenir ému d’un pâté en croûte dégusté dans un bouchon lyonnais, qui m’a ramené à ces souvenirs d’enfance.

Voyez-vous des similitudes entre la cuisine et le management sportif ?
Totalement. Une brigade et une équipe fonctionnent sur les mêmes principes : rôle défini pour chacun, esprit collectif, gestion du stress et respect du timing. Aujourd’hui, certains utilisent la cuisine pour des séminaires de team building. Faire collaborer des personnes sur une recette, sous la pression du temps, révèle beaucoup sur la dynamique d’un groupe.

Quels sont les produits de l’Occitanie qui vous tiennent à cœur ?
Ce qui me frappe, c’est la diversité de notre région. Du porc noir de Bigorre aux huîtres de Bouzigues, des vins de Gaillac aux fruits du Roussillon, il y a tant de richesses. Mon rôle consiste à faire en sorte que chaque habitant se sente concerné par ces produits. Un Gersois doit pouvoir s’approprier les produits de la mer, et vice-versa. C’est ainsi qu’on développe un sentiment d’appartenance.

Justement, comment renforcer cette identité régionale à travers les produits locaux ?
Nous avons la marque “Fabriqué en Occitanie” pour valoriser nos savoir-faire. L’enjeu est de créer une histoire autour de ces produits. Acheter local, c’est soutenir des hommes et des femmes passionnés. C’est aussi affirmer son attachement à sa région. Nous travaillons sur la lisibilité de l’offre, pour que ces produits soient mieux identifiés et choisis par les consommateurs.

Le vin occupe une place forte ici. Quel est votre rapport à cette culture ?
Originaire de Nîmes, j’ai découvert les vins de Bordeaux durant mes études, puis redécouvert ceux de l’Occitanie en revenant ici. Aujourd’hui, je consomme principalement les vins de la région. Ce qui me touche, ce sont les histoires des vignerons, leur engagement. Partager un verre de vin, c’est prolonger la chaîne de passion qui va de la terre au verre.

L’Occitanie est une région jeune. Quel est son plus grand défi selon vous ?
Créer un sentiment d’appartenance. Nous célébrerons les dix ans de la région l’an prochain. L’objectif est que chaque habitant se sente fier d’être Occitan. Cela passe par la connaissance des territoires, l’amour des paysages, mais aussi par la valorisation des savoir-faire. Connaître, aimer et partager : c’est le triptyque que nous visons.

Comment voyez-vous l’avenir de l’Occitanie ?
Prometteur. Nous avons des atouts incroyables : des paysages variés, des produits de qualité, un dynamisme culturel et sportif. Nous devons relier ces forces, créer des passerelles entre les territoires et encourager la coopération. L’art de vivre en Occitanie, c’est aussi cette capacité à conjuguer modernité et tradition. Mon souhait est que chaque habitant soit fier de dire : “Je vis en Occitanie”.

François Fontes & Eric Cellier